En interrogeant sa vie, elle fait d’abord le constat de vivre une vie qui n’est pas la sienne et pointe le bonheur comme étant un antidote obligée à sa souffrance.
La personne met donc en tension le bonheur et son incomplétude à être. Cette quête sera d’autant plus tyrannique que ses angoisses demeureront sans réponse.
Le bonheur commence par une question. Car s’il y a l’exigence d’être heureux, il y a aussi de la méconnaissance quant à savoir ce qui y contribuerait.
S’il se pose cette question du bonheur, c’est qu’il y a la demande incessante d’apprendre à être soi.
Comment être soi, comment faire face à cette inconnue quand au-dehors la société nous renvoie des images saturées du bonheur soi-disant accessible ?
Comment ne pas se sentir en décalage lorsque le discours ambiant met en avant l’impératif du bien-être sous toutes ces formes ?
Comment finalement oser nous déprendre de toutes ces normes et entrevoir notre propre définition du bonheur ?
Lorsqu’une personne pousse la porte du cabinet d’un psychanalyste, elle espère trouver en lui les réponses qui lui manquent pour pouvoir prétendre à plus de liberté et de sérénité.
Elle interroge le psychanalyste comme elle interroge le bonheur.
Entrer en psychanalyse, c’est d’abord initier un mouvement là où les choses semblent vouées à l’inertie et à la répétition.
Pour que ce mouvement soit fécond, le psychanalyste s’abstient de toute réponse et soutient la parole dans ce qu’elle a de plus singulier et de plus fort.
La psychanalyse engage l’invention et en cela trouve des affinités avec le bonheur.
Le bonheur n’existe pas en soi. Il revient à chacun d’entre-nous de le créer en se laissant gagner par toutes sortes d’opportunités.
C’est parce que le bonheur doit d’abord rester une énigme qui échappe à la raison que la personne pourra saisir sa chance de le toucher.
Comme si, pour en revenir au bonheur, il nous faudrait en passer par le hors du commun et l’extraordinaire en poussant la porte de la désobéissance et de l’imprudence…
Le bonheur nous tient à cœur et la psychanalyse se propose de valoriser cet élan.
Entre le psychanalyste et son analysant va se jouer la rencontre d’avec l’essentiel. Un essentiel insolite qui va promouvoir une nouvelle façon d’être au monde nourrie de toutes ces choses qui nous animent.
Si la psychanalyse ne garantit pas en soi le bonheur, elle se veut être son partenaire le plus dévoué.
Si le bonheur tente d’apprivoiser le sens d’une vie, la psychanalyse fera de cette impatience et de cette curiosité une possible advenue.
Avec elle, le bonheur ne sera plus une idée forcenée.
« L’alpha et l’oméga de ma sagesse, c’est que tout ce qui pèse doit s’alléger, tout corps devenir danseur, tout esprit oiseau. (…) Chante, ne parle plus ! » dit Zarathustra.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathustra, III, « Les sept sceaux », 6.
Psychologue – psychothérapeute